Le référencement (SEO) pour la démocratie et les entreprises

Mai 2019

Lorsque l’on rencontre un problème, on interroge sans la plupart des cas un service Internet. Il est devenu très facile de faire une recherche sur Google depuis que ce service est accessible rapidement sur nos smartphones.

Google, et d’autres sites de ce type, jouent un rôle majeur en ce sens. Ainsi, les résultats de recherche, triés par les services Internet proposés par les géants du web, sont normalement là pour nous informer.

Mais cette information n’est que le résultat d’une recette informatique. Il s’agit d’un algorithme, très complexe, imaginé par des chercheurs, des ingénieurs, de rares philosophes et des commerciaux du monde entier pour nous faire acheter plus de choses.

Cet article m’est venu en tête il y a maintenant des années. Je me suis toujours demandé à quel point les outils de recherche et les réseaux sociaux allaient être utilisés.

Aujourd’hui (en 2019 au moment de l’écriture de ses lignes), il devient de plus en plus urgent de se poser la question puisqu’il est évident que l’ensemble de la population utilise les outils Internet pour leurs recherches.

Plus de SEO pour plus de démocratie

Si tous les regards sont tournés vers Facebook, les élections présidentielles étrangères et des ventes de données personnelles, on oublie de prendre du recul pour étudier ce que nous faisons au quotidien avec ces différents services.

Nous vivons à l’âge de la guerre de l’information. Et celle-ci a lieu partout sur Internet et pas uniquement sur Facebook. Ainsi, Google sélectionne maintenant des actualités qui sont affichés parmi les résultats de recherche en bonne position.

À l’heure où j’écris ces lignes, si je tape le mot clé « avortement » sur Google j’ai beaucoup d’informations anti-IVG qui surgissent dans les résultats en raison d’un heureux hasard de calendrier (ou pas ? Comment le savoir?).

résultat de recherche sur l'avortement dans Google

Ci-dessus : les premiers résultats de recherche sur Google.fr

Ces encarts sont choisis par Google pour des raisons obscures. S’il s’agit d’information, la sélection de ces actualités parmi des quotidiens français est opérée en secret par le moteur de recherche.

Un tel outil pourrait donc devenir un instrument de propagande très puissant pour un organisme capable d’infiltré l’entreprise Google, de manipuler « Google News » ou – plus vraisemblablement – d’utiliser une des nombreuses stratégies de référencement naturelle à notre disposition pour manipuler ces résultats.

En 2016, la ministre Marisol Touraine avait demandé sur Twitter de l’aide pour placer un site du gouvernement en bonne position.

Marisol Touraine Twitter référencement

Ci-dessus : une ministre interpelle les internautes sur la question du référencement sur Twitter

Imaginez si un gouvernement ou une agence de renseignement étrangère avait choisi de faire la même chose mais pour des raisons plus douteuses ?

Imaginez si elle le faisait sur des centaines ou de milliers de mots clés ?

Heureusement, avec la présence de Google en France, le moteur de recherche s’adapte régulièrement pour faire face à des problèmes de ce genre.

On peut, sans trop chercher longtemps, voir que Google modifie régulièrement quelques recherches en France.

Ou, plutôt, il adapte ses suggestions de recherche pour ne pas diriger les internautes vers des informations illégales, diffamatoires, mensongères ou des « fake news ».

Des lois permettent ces traitements manuels pour éviter que le moteur de recherche ne fasse la promotion automatique d’informations contraires à la loi française.

Bien évidemment, tout ceci est au bon vouloir du moteur de recherche. S’il coopère tant mieux. Mais va-t-il continuer à accepter les requêtes des États si ceux-ci commencent à lui taper dessus à l’aide de taxes et d’amendes en tous genres (ce qui devra arriver). Après tout, Internet est mondialisé, et on peut imaginer un tel service s’opérer depuis l’étranger.

L’autre risque est celui de voir les États débordés par les référenceurs et agences de renseignements et de contre information étrangères.

Si une équipe de dizaines de SEO white, grey et black hat s’attaquent à des milliers de requêtes sensibles pour promouvoir des résultats étranges dans Google, les agences équivalentes françaises pourraient avoir beaucoup trop de travail pour endiguer ces attaques SEO.

Cela vous semble être de la science-fiction ?

Aujourd’hui, une simple recherche sur « trucage élection présidentielle » et on tombe sur un délire de conspiration, certes de faible qualité, mais qui pourrait – dans d’autres circonstances - déstabiliser une démocratie.

résultat google sur des soupçons de trucage

Ci-dessus : Google présente des théories du complot lors d'une recherche sur une élection présidentielle

Que l’on se rassure, rien ne semble bien sérieux dans ce cas précis. Néanmoins, il est clair que Google n’a pas choisi de proposer des résultats contradictoires dans ses 3 premiers résultats…

Pire, on met dans le même panier le Venezuela et la France sur la première page de Google !

Si on arrive en fin de page, on nous propose maintenant une belle brochette de recherches à effectuer pour compléter nos informations sur le sujet… Oups !

résultat google recherches complémentaires

Ci-dessus : Google nous propose d'en savoir plus sur ce même sujet...

Bien souvent, après une recherche sur Google, le premier résultat que l’on trouve fait office de vérité ou de confirmation.

Nous, les humains, nous avons un biais de confirmation qui veut que l’on cherche à vérifier toute information qui nous semble juste.

Si l’on tombe directement sur une information qui valide ce que l’on pense, nous ne cherchons que rarement un contre-exemple.

SEO : la recette du succès en entreprise

courbe visite référencement SEO

Ci-dessus : une stratégie de référencement pour une entreprise (courbe des visites Google Analytics sur le long terme)

Si j’ai parlé pour le moment essentiellement de la démocratie, il ne faut pas négliger les organisations différentes : associations, ONG et entreprises.

Le cas des entreprises est particulièrement parlant : avec la prolifération des informations présentes sur Internet, Google tente d’organiser celles-ci par domaine. Or, une bonne présence sur Google est dans la majorité des cas le signe d’une puissance commerciale efficace et d’un flux de prospect constant.

En pratique, si une entreprise propose un service innovant mais néglige son référencement, Google peut rapidement proposer à ses internautes un concurrent si celui-ci a mieux travailler son SEO !

Pire, il peut proposer un produit différent voir une contrefaçon. Plus simplement, il peut proposer un site à la qualité très douteuse sur ce même produit.

Sur la recherche bien connue « nike requin pas chère », le deuxième résultat semble proposer un contenu plutôt douteux.

résultat google recherches nike

Ci-dessus : Google propose un site douteux dans les premiers résultats de cette recherche...

Si l’expérience d’achat est mauvaise, c’est toute la marque qui peut en souffrir…

Pour Google, son domaine s’arrête à son moteur de recherche. Ce qu’on trouve sur une page est presque négligeable et n’est plus de sa responsabilité. Le juridique doit prendre le relais pour régler le problème et faire fermer le site si celui-ci est sanctionnable.

Les entreprises doivent donc être très soucieuses de leur image et de leur référencement. C’est la raison pour laquelle de nombreux sites travaillent maintenant leur SEO avec un consultant ou une équipe dédiée au référencement.

Cependant, il ne faut pas non plus oublier que trop de SEO peut constituer une manipulation des résultats du moteur de recherche. Si cela arrive, Google souhaitera sans doute pénaliser le site pour ses mauvaises actions, réelles ou supposées.

En effet, Google reste une entreprise. Ses clients, les annonceurs, souhaitent que beaucoup d’internautes viennent effectuer des recherches. Si les résultats (qu’on appelle SERP dans le jargon SEO) sont moins bons, c’est le business de Google qui est mis en péril.

On peut citer le cas de la startup Genius (ex-Rap Genius) qui a eu quelques déconvenues avec Google. Pour obtenir plus de visibilité, elle a en effet incité ses utilisateurs à faire des liens vers son site. Google a « sanctionné » Genius en dégradant sa position dans les résultats de recherche.

Cette pratique est très connue dans le monde du référencement et ne s’applique pas du tout de cette façon !

La conséquence c’est que l’entreprise a été stoppée en pleine croissance en raison d’une mauvaise compréhension du SEO. Genius ne s’en est jamais vraiment remise.

Mais Google n’est pas le seul service qui pose un problème.

Il y a également Twitter, Instagram ou Facebook, des réseaux sociaux dont les publications sont largement ignorées par Google dans ses résultats de recherche, mais dont les résultats et le fonctionnement sont largement manipulables.

Il existe ainsi de nombreuses entreprises qui permettent d’acheter des « Like » Facebook ou des « Retweets » pour promouvoir des informations à des millions d’utilisateurs sur ces réseaux.

Là encore, il est nécessaire de mettre en place les moyens humains et informatiques nécessaires pour lutter contre ce type de pratique.

Le cas Youtube me semble être plus que pertinent et intéressant.

En effet, la première chose que l’on remarque c’est que des vidéos sont proposées par Google dans son moteur de recherche.

Pour faire bonne figure, nous pourrons dénicher parfois, au gré de nos recherches, des vidéos hébergées par les plateformes Vimeo ou Dailymotion. Mais c’est anecdotique. Clairement, Youtube domine le marché du partage de vidéo sur Internet.

courbe visite référencement SEO

Ci-dessus : un démarrage doux mais sûr avec du SEO (courbe des visites Google Analytics)

Donc, il est possible également d’optimiser le référencement des vidéos Youtube en choisissant bien les mots clés, la description ou la miniature d’une vidéo.

D’autres pratiques plus classiques SEO pourront également promouvoir les contenus vidéos.

Je pense à l’intégration des vidéos dans des pages de texte ou la création de liens (sans parler de l’optimisation des interactions avec la vidéo tels que les partages, les pouces bleus ou les abonnements à la chaîne concernée).

Dans la mesure ou ce type de contenu devient de plus en plus populaire, il est donc très important de ne pas le négliger puisque Youtube devient un outil très puissant pour diffuser de l’information.

D’ailleurs, Youtube est devenu le deuxième moteur de recherche au monde, juste derrière Google...

Aujourd’hui, j’ai fait une recherche sur Google qui s’intitulait « La terre est-elle plate ? ». Cette simple question appelle logiquement une réponse claire.

Pourtant, en regardant les résultats dans Google, il y a de quoi avoir un doute.

résultat google recherches terre plate

Ci-dessus : Google propose des vidéos pour nous conforter dans notre permière impression...

D’un côté, j’ai des vidéos qui semblent indiquer qu’il existe des preuves que la Terre est plate et, de l’autre, des résultats de recherche traditionnels (des contenus textuels sur des sites classiques) qui parlent d’une théorie du complot.

On voit qu’il est possible de travestir une vérité scientifique à l’aide de Youtube et de proposer cela en première position des résultats Google.

On ne peut qu’effleurer toutes les possibilités offertes par cette technique concernant les produits ou les services d’une entreprise.

Est-il possible de proposer un moteur de recherche éthique ?

La question que l’on peut se poser est donc la suivante : est-il possible de proposer un moteur de recherche éthique qui pourrait répondre efficacement aux questions que l’on se pose sans travestir la vérité scientifique et sans mettre en avant de la désinformation ?

Un début de réponse est fourni par Wikipedia qui permet, via des contributions nombreuses et variées, de trier le vrai du faux sur des questions de culture générale.

Néanmoins, si Wikipedia peut nous orienter vers la bonne réponse concernant la forme de la planète Terre, le site n’est pas capable de m’aider à réaliser correctement un achat sur Internet.

Pour cela, je dois me tourner vers un moteur de recherche et formuler la bonne recherche.

Est-ce qu’un moteur de recherche sera capable de fournir une bonne réponse quelle que soit la question ? Je ne pense pas, même si on a des outils plus récents, tel que Qwant, qui me semblent être sur la bonne voie.

Sur la question de la Terre Plate, Qwant nous oriente, il me semble, vers de meilleurs résultats.

résultat qwant recherches terre plate

Ci-dessus : le moteur de recherche Qwant propose des résultats plus logiques.

Cependant, sur la question des chaussures de sports à bon prix, les résultats ne sont pas spécialement meilleurs.

Dans ces conditions, il me semble que l’internaute doit apprendre à utiliser plusieurs outils.

Il est crucial d’enseigner aux gens à utiliser correctement Google, Youtube, Facebook, Twitter avec un esprit critique, mais surtout de les orienter vers des outils de recherches différents. On peut citer, parmi les moteurs de recherche alternatifs, Bing, Qwant ou DuckDuckGo.

Un seul et unique moteur de recherche éthique pourrait voir le jour. Il fonctionnerait sous la forme de Wikipedia avec des résultats de recherche largement sélectionnés par des humains.

Mais, pour le moment, ce service ne semble pas vouloir décoller même si des idées de ce type sont régulièrement testées.

En ce qui concerne la vérité absolue. Cela reste un problème philosophique. C’est pourquoi il est préférable de s’en ternir à des résultats qui respectent une réalité scientifique.

SEO et référencement : prévenir plutôt que guérir

En attendant, toute structure, qu’il s’agisse d’une entreprise, d’une association et même d’un gouvernement se doit d’être proactif sur cette question du référencement et de sa présence sur les moteurs de recherche.

Internet devient de plus en plus important et les récentes actualités (presque quotidiennes) sur ce sujet montrent le poids que les réseaux sociaux et Internet peut avoir sur la réussite de certains projets démocratiques, commerciaux ou associatifs.

Il est primordial que les structures importantes qui souhaitent promouvoir une transformation sociale se dotent des outils à même de les aider à anticiper et à mieux comprendre le fonctionnement du référencement sur Internet et la façon dont les informations circulent.

Les humains avec des compétences en SEO, comme un consultant en référencement, et en réseaux sociaux sont en première ligne. Ils peuvent guider les acteurs dans leurs activités sur Internet de diffusion d’information.

Les outils techniques conçus par des développeurs sont indispensables pour créer des crawlers, des outils de traitement naturel du langage ou de machine learning pour traiter en masse l’information et anticiper ou résoudre les problèmes qui se poseront inévitablement.

Finalement, les compétences juridiques apportées par des avocats, des fiscalistes et des conseillers juridique doivent être disponibles pour répondre à des questions sur le droit sur les plateformes Internet et prendre les actions qui s’imposent.

Aujourd’hui, même avec le développement d’initiatives concurrentes (Mastodon, Dailymotion, Qwant), il est indispensable d’acter le fait qu’il faut vivre avec Google, Facebook, Twitter, Instgram ou Youtube.

D’autres services de ce type viendront et se développeront et toute lutte frontale semble vaine. Par contre, il est important de devoir les exploiter correctement.

On dit souvent que la France est l’un des pays les plus compétents en SEO. C’est vrai. Nous avons les gens les plus compétents, les plus passionnés et de très bons ingénieurs qui ont su créer des outils merveilleux.

Ce n’est pas pour rien que la seule alternative crédible à Google sur le secteur de la recherche Internet est français (Qwant) !

Pourtant, la profession de référenceur reste largement méconnue, ignorée ou reléguée en seconde position.

Il est temps de changer cela et de considérer les SEO comme de vrais experts.

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Note : les résultats de recherche présentés dans cet article datent des 12 et 13 mai 2019.